26 févr. 2012

Le gaz de schiste et la chasse au Québec

Voici un texte de Luc Lapierre sur le gaz de schiste et les conséquences de son exploitation sur la chasse au Québec


LE GAZ DE SCHISTE ET LE RÉTRÉCISSEMENT DU DOMAINE DE CHASSE.

Ceux qui gravitent de près ou de loin autour de l’organisation en cours de la Ligue de défense des droits des chasseurs du Québec doivent se demander par les temps qui courent pourquoi je mets tant d’énergie à combattre l’industrie gazière et à écrire des articles qui décrient les conséquences de l’exploitation possible du gaz de schiste au Québec. C’est pas compliqué. Je participe tout simplement à une lutte visant à préserver la qualité de vie de mon village et de ma région, et la qualité de notre eau, de notre air, de nos paysages et de notre santé. C’est tout simple

Certains pourront se questionner et penser que je dévie de ma mission qui est de défendre le mode de vie des chasseurs québécois. Or, la réponse à ça, c’est : Pantoute. C’est même le contraire, et voici pourquoi.



Les faits

Je vais faire ça vite pour vous expliquer les faits dans le but de ne pas décourager la lecture. Mais de votre côté, prenez un petit café et forcez-vous un peu à lire quelque chose qui vous regarde en pleine face sans que vous sembliez le voir. Ça va prendre dix minutes mais je vous garantis que ça va changer votre vie de chasseur.

Pour ceux qui ne le savent pas encore, l’industrie gazière compte installer, avec la complicité complaisante de notre bon gouvernement, le total impressionnant de 20,000 puits d’exploitation de gaz de schiste dans toute la vallée du Saint-Laurent d’ici quelques années. Ça, c’est si on ne s’en mêle pas. Car heureusement, il y a des gens informés qui ont décidé de prendre les choses en main. Mais ces gens-là pourraient bien s’essouffler à force de manger des coups sournois de la part de l’industrie qui, on s’en doute, détient un pouvoir financier incroyable pour contrer leurs efforts.

Dans les faits, qu’est-ce que ça veut dire 20,000 puits? Hé ben voici. C’est ici que vous allez recracher votre gorgée de café.

Les conséquences sur notre mode de vie

20,000 puits de gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent, ça veut dire une altération du domaine chassable d’au moins 5 MILLIARDS de pieds carrés, l’équivalent de 1,000 TERRES de 100 acres dans le seul corridor Laurentien, là où on retrouve la plus forte concentration de chasseurs de gros gibier et de sauvagine, soit environ 200,000. Give and take. On s’enfargera pas dans les fleurs du tapis, alors disons entre 150,000 et 200,000 chasseurs. Si on calcule une moyenne de 2 chasseurs par propriété en ce qui concerne le chevreuil, par exemple, on pourrait penser que l’implantation de l’industrie gazière au Québec n’affectera seulement que 2,000 chasseurs… Hé bien c’est là qu’on se tromperait.

Parce que les puits doivent être espacés d’une soixantaine d’hectares les uns des autres, ils seront forcément sur des propriétés différentes (20,000 en tout si vous savez compter), et c’est donc un minimum de 40,000 chasseurs de chevreuil qui sera affecté par ce fléau. 40,000 chasseurs, c’est au moins 1 chasseur de chevreuil sur 5 au Québec. Pour les sauvaginiers, c’est encore plus dramatique puisque c’est le double des effectifs de sauvaginiers du Québec qui sera affecté directement. Les adeptes de chasse à la bernache, à l’oie blanche et au canard en champs, surtout.

Autant de chasseurs qui devront faire face à la réalité d’une faune qui voudra fuir le bruit, la lumière nocturne, la présence humaine 24 heures sur 24 et les fuites de méthane en continu. Et croyez-moi, ce n’est pas alarmiste du tout. Mon approche est au contraire très terre-à-terre et purement mathématique. Je ne me lancerai même pas sur le terrain des probables cas de contamination de l’eau et des sols qui risquent d’affecter non seulement les humains, mais la faune aussi. Pour ce volet, je vous laisse le soin de visionner les documentaires et de lire les documents dont je fournis les liens à la fin de ce papier. Et en passant, je passe sous silence les centaines d’autres propriétés qui seront affublées de compresseurs bruyants (plus de 120 db, donc audible à plus de un kilomètre) nécessaires pour conserver une pression constante dans les gazoducs. Ah, parce que je ne vous avais pas encore parlé des gazoducs? Ben oui, y’en aura partout parce qu’ils assureront un lien entre les 20,000 puits pour assurer le transport du gaz vers les usines des zones urbaines. Et je ne parlerai pas non plus des milliers de camions lourds qui feront la navette pour transporter l’eau, les produits chimiques et les liquides fracturation vers et hors des sites de forage. 

Par coïncidence, les gazières ont mis la main sur des régions entières reconnues pour la qualité des cultures et en tant qu’habitat privilégié du cerf de Virginie d’une part, et faisant partie du domaine vital de la sauvagine lors de ses deux migrations annuelles. La plaine agricole du Saint-Laurent des deux côtés du fleuve, celle du Centre-du-Québec et celle aussi de la Montérégie; les terres agro-forestières des Appalaches; la bande agricole riveraine du bas du fleuve. De toute façon, vous savez lire une carte autant que moi. Il n’y aura pas de break ni personne d’épargné.

Alors, en plus de composer avec la concurrence des autres chasseurs pour l’obtention de permissions de chasser sur un domaine encore plus restreint, on en sera quittes pour chasser dans le bruit, la puanteur et la saleté des espèces fauniques qui, de toute façon, auront déserté le secteur. Car si l’on croit que la faune peut d’adapter à pratiquement n’importe quoi, cette fois l’adaptation pourrait bien se traduire par « désertion ». Demandez aux chasseurs de la Pennsylvanie, du Texas, du Wyoming. Et à chacune de nos petites marches de santé dans la nature paisible, nous devrons enjamber un, sinon deux gazoducs. Maudit que ça me tente.

Bon, pour finir, si ces chiffres ne réussissent pas à vous émouvoir, hé bien ramenons-les à une échelle locale. Par exemple, rien que sur le territoire de la petite municipalité (2,700 habitants) où je vis, on projetterait d’installer une centaine de puits d’exploitation à terme, avec les compresseurs et le réseau de gazoducs en conséquence. Selon un calcul conservateur, c’est donc un minimum de 200 chasseurs de chevreuil qui seront affectés, sur une communauté qui en compte au plus 600. Ouais, 1 chasseur sur trois. Tirez vos conclusions.

Les retombées positives de l’industrie?

Faites-vous pas d’idée, les retombées positives sont minces. Pour l’instant, un maximum de 50 québécois travaillent pour cette industrie. Et parce que le Québec n’offre aucune formation pour ces emplois spécialisés, ce sont des gens de l’extérieur, de l’Alberta surtout, qui font des petits trous partout. Dans le meilleur des cas, ce sont 7,500 emplois TEMPORAIRES qui seront créés en échange d’une destruction complète de notre mode de vie à nous les chasseurs, et de la qualité de vie de millions de nos concitoyens. Pour vous donner une idée, Jean Coutu emploie dans son réseau 11,000 travailleurs. Tim Hortons, plus encore. Pourtant l’économie du Québec ne repose pas sur ces institutions, n’est-ce pas? Alors, de grâce, ne vous laissez pas endormir par une gazière qui promettra à votre maire d’aider au financement de la réfection du toit de l’aréna du village. Parce que ce toit-là, il va vous coûter cher et vous allez devoir remplacer la chasse par le hockey.

Ce qu’on peut faire

Je vous le dis tout de suite. Je ne veux pas entendre la phrase « ouan, mais on peut rien faire ». On n’est pas des losers.

Partant du fait que le gouvernement du Québec laisse entendre que c’est le niveau d’acceptabilité sociale qui déterminera s’il laissera ou non s’implanter ce fléau chez nous, des dizaines de milliers de citoyens (des écolos, des fermiers, même les scouts) se sont mobilisés pour empêcher que ne se réalise ce qui n’est encore qu’un cauchemar. Allez sur le web et voyez par vous-mêmes ce qui se passe. Des milliers de propriétaires fonciers ont déjà signé des refus d’accès à leurs propriétés à l’intention des gazières. On peut le comprendre, parce que c’est pas un pot-de-vin de 1,000$ qui va empêcher leurs vaches de perdre leur poil.

Je pense sincèrement que les chasseurs du Québec, surtout ceux qui chassent sur des propriétés privées, ont intérêt à s’en mêler et à participer à l’effort collectif avec toute la force de leur nombre. Comment faire? Maudit que c’est facile pis pas forçant. Bien moins long que d’aller rafraîchir une saline ou de faire un setup d’appelants.

Voici la petite démarche en 5 étapes faciles :

1. Prenez une petite heure pour visionner l’émission Découverte qui donne une maudite bonne idée de ce qu’est le phénomène du gaz de schiste et des dangers reliés à son exploitation. De cette manière, vous saurez de quoi il en retourne. http://www.radio-canada.ca/emissions/decouverte/2010-2011/Reportage.asp?idDoc=124709 

2. Ensuite, allez sur Google. Tapez « Coalition gaz de schiste » suivi du nom de votre région. Les chances sont bonnes pour qu’un comité existe déjà dans votre coin. Sinon, contactez la Ligue de défense des droits des chasseurs du Québec par email (lddcq@hotmail.com) et on vous fournira les coordonnées nécessaires avec plaisir.

3. Appelez votre coalition et expliquez votre démarche. Demandez à recevoir un exemplaire du formulaire de refus d’accès à l’intention des propriétaires fonciers, ainsi qu’un dépliant explicatif. Celui-ci vous aidera à sensibiliser le propriétaire chez qui vous chassez à l’importance de ne pas laisser l’industrie entrer chez lui.

4. Rendez-vous chez le propriétaire en question. Enlevez vos bottines avant d’entrer et offrez-lui une bière et un paquet de saucisses de chevreuil (ça marche tout le temps). Parlez-lui doucement et « concluez la vente ». Par expérience, je sais que cette démarche ne prend pas plus que 20 minutes.

5. Rentrez chez vous après avoir chaudement remercié le proprio et après avoir retourné par la poste le formulaire signé à votre coalition. Prenez une autre petite bière en guise de récompense pour vos efforts. Puis rêvez que vous allez pouvoir continuer à chasser tranquille. Forever.

Et si jamais vous êtes vous-même propriétaire, hé bien la question ne se pose même pas. Vous pouvez passer outre l’étape 4 et garder toute la bière et la saucisse pour vous-même…


Luc Lapierre


Voici d’autres liens intéressants pour bien vous laver le cerveau :

Impact de l’industrie gazière sur la faune (en anglais) :http://www.sportsmenalliance.org/PDFs/Final_Sportsmen_Alliance_Marcellus_Fact_Sheet_2_03_11_v01.pdf

Chasser près d’un puit de gaz de schiste (en anglais) : http://marcelluscoalition.org/wp-content/uploads/2011/05/Fact-Sheet-Hunting.pdf 

Post-Scriptum : J’ai consulté la longue liste des intervenants qui ont soumis des mémoires à la commission sur le gaz de schiste tenue par le Bureau d’Audiences Publiques en Environnement (BAPE). Je n’y ai jamais vu le nom de la FédéCP. Encore une fois, la FédéCP semble avoir manqué le bateau et c’est nous, les chasseurs, qui devrons réparer les pots cassés. Où était la FédéCP lors des audiences du BAPE? Sa permanence a-t-elle seulement allumé sur les conséquences probables de ce fléau sur les activités de chasse et de pêche?

Ou s’affairera-t-elle, tout de suite après avoir lu ceci, à rédiger (trop tard) un mémoire plaintif se résumant à affirmer son support à ceux qui se taperont ENCORE la job sale de préserver notre mode de vie. Et à continuer de faire croire qu’elle représente les intérêts des chasseurs québécois?

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