11 janv. 2011

Une mesure controversée et inefficace: Quality Deer Management



La gestion des populations de chevreuils 

Quand pratiquée pour de bonnes raisons par des gens consciencieux sur leur propre propriété, la gestion des populations de chevreuils en vertu de la méthode préconisée par la Quality Deer Management (QDM) peut sans aucun doute devenir une expérience très gratifiante.


Cependant, essayer d'implanter cette mesure controversée  sur un territoire aussi vaste que le Québec, est une entreprise risquée considérant que la population de chevreuils a littéralement explosée sous la ''Loi du buck'' comme on l'a connu. Mais comme nous le verrons dans le cas de plusieurs états américains, l'intérêt d'étendre cette forme de gestion à l'immense territoire de la province de Québec, entraîne plusieurs interrogations.




D'une part cette forme de gestion (QDM) est supportée par plusieurs organismes importants dont la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs, la Fédération québécoise de la faune,la Fondation de la faune du Québec et la Fondation héritage faune.

D'autre part, je me questionne sur les effets qu'aurait l'imposition de restrictions quant au nombre de pointes que devrait posséder un chevreuil récolté. La gestion des populations de chevreuils que propose nos fédérations, consiste principalement à protéger les chevreuils mâles de 1.5 et 2.5 années et à récolter un nombre accru de femelles, dans le but de permettre aux chevreuils mâles de vivre plus vieux et par conséquent de développer un plus gros panache.

Divers sites internet et plusieurs forums  font également la promotion de cette méthode de gestion qu'est la QDM.



Les tenants de cette forme de gestion nous affirment que la génétique des chevreuils de tout le Québec serait meilleure, que les femelles seraient ''bridées'' juste au bon moment etc...etc... sans vraiment présenter de preuve. Ils disent aussi que la récolte des gros panaches ne serait pas le but poursuivi. Les on-dits ne suffisent plus. 


Nous, les 150 000 chasseurs du Québec, devrions croire et suivre les yeux fermés, ce que nous disent les fédérations qui nous représentent.

Dans les faits ces chasseurs propriétaires terriens ne sont pas satisfaits, de pratiquer cette forme de gestion des populations de chevreuils sur leurs propres terres. Ils ressentent le besoin de forcer tous les chasseurs du Québec à les suivre, dans leurs obsessions égocentriques de récolter des chevreuils-trophées à chaque année.

Pour bien informer mes lecteurs, j'ai donc pris le temps de faire le recensement de quelques états américains qui ont essayé cette forme de gestion qu'est la ''Quality Deer Management''. Je vais essayer de vous  présenter l'essentiel de ma recherche.

Comme chasseur libre et comme chroniqueur totalement indépendant, je ne peux me résoudre à suivre qui que ce soit les yeux fermés. Cet article va vous expliquer pourquoi.

La chasse est une expérience personnelle

La chasse au chevreuil doit toujours rester une expérience personnelle. Quand vient le temps de décider quel genre de chevreuil je choisis de récolter, les raisons qui motivent mon choix peuvent changer de saison de chasse en saison de chasse. Ce que les promoteurs de ce genre de gestion des populations de chevreuils tentent de faire, c'est de pousser le gouvernement à adopter des réglementations susceptibles de satisfaire la poursuite de leurs objectifs, mais aussi selon mon opinion, de nuire irrémédiablement au sport de la chasse en général.



La publicité dans les magazines ainsi que la tournée des soirées de chasse et pêche au Québec, ont pour conséquence de favoriser la culture du panache sous toutes ses formes. Cette espèce de dépendance égocentrique de récolter le panache le plus imposant possible, est devenue un véritable problème d'éthique, même si ce n'est pas le but poursuivi par les magazines et les organisateurs de ces soirées. 


Je ne vois rien de mauvais dans le fait d'être un chasseur de gros panache, en autant que ce soit légal et que ce chasseur n'essaie pas d'imposer sa vision des choses à tous les chasseurs de la province.


Les histoires que personne ne mentionne

Quand on parle de gestion de populations de chevreuils, on touche à un sujet sensible que ce soit au Canada où aux États-Unis. Les états américains ont été aux prises avec le problème des surpopulations de chevreuils depuis pas mal plus longtemps que le Québec. 


Certains états ont fait de douloureuses expériences avec un type de gestion en particulier: la Quality Deer Management. Voici quelques exemples que j'ai relevé en furetant sur l'internet.

La Californie

En Californie, le California Department of Fish and Games a établi une restriction sur le nombre de pointes que devait comporter les chevreuils récoltés. La réglementation ''three-points-on-one-side'' a été mise en œuvre au début des années 50's. D'une part le département s'est rapidement rendu compte que de nombreuses carcasses de chevreuils, ne rencontrant pas le standard légal, étaient laissées sur le sol par les chasseurs, de peur de payer l'amende salée imposée aux contrevenants. D'autre part il est apparu lors de sondages auprès des chasseurs, que la récolte illégale de chevreuils non enregistrés approchait les 100-120% de la récolte légale. Les restrictions furent abandonnées en 1990.


L'Oregon

En Oregon. Le Oregon Department of Fish and Wildlife a utilisé la restriction ''4-points-on-one-side'' de 1968 à 1979. Le biologiste  responsable du projet s'est rendu compte que les chasseurs faisaient de nombreuses erreurs, quand ils estimaient le nombre de pointes sur les chevreuils visés. Plus de 50% de la récolte de chevreuils était illégale et laissés en forêt à pourrir. La réglementation a été abandonnée.


Le Nevada

Au Nevada, le Nevada Division of Wildlife a expérimenté la même réglementation à la fin des années 60's, mais l'a abandonné quand des études ont démontré que la récolte illégale de chevreuils était aussi importante que la récolte légale. Les chasseurs contrevenants préféraient laisser la carcasse de l'animal en forêt, plutôt que de déclarer leurs erreurs et payer l'amende salée imposée.


L'Utah

En Utah, le Utah Board of Big Game Control a aussi institué une réglementation ''four-point-or-better'' pour la chasse au ''mule deer''. Malheureusement les biologistes sont arrivés à la conclusion que les chasseurs tiraient et comptaient les pointes après. (shoot and go look).



Le Colorado

Le Colorado Division of Wildlife a aussi essayé ce genre de restrictions et les résultats ont été les mêmes. Les restrictions ont été abandonnées après quelques années.


Des résultats peu encourageants

Comme nous venons de le voir, toutes les réglementations concernant les restrictions au nombre de pointes, n'ont pas donné de résultats très encourageants dans plusieurs états des États Unis. 

En situation de chasse le nombre de pointes est souvent difficile à déterminer, surtout dans les tirs de plus de 100 mètres à la carabine. L'angle de tir, la luminosité ambiante faible et les mouvements de l'animal, augmentent la difficulté de déterminer le nombre légal de pointes.

Suggestions pour remplacer la QDM

Je voudrais discuter avec vous de quelques méthodes qui seraient utiles pour améliorer la gestion des populations de chevreuils du Québec comme le veut la QDM. Je ne me présente pas ici en expert, mais il me semble que la ''Loi du gros bon sens'' peut aussi faire l'affaire dans ce contexte.

Limiter la puissance des armes

La technologie fait aujourd'hui partie de nos vies et celle des armes à feu est particulièrement avancée. Dans un article récent, je faisais référence à un manufacturier américain d'armes à chargement par la bouche, prétendant avoir une excellente précision à 500 mètres. 


Nul doute dans mon esprit que toutes les carabines modernes munies d'un télescope bien ajusté, peuvent tirer avec précision à plus de 300 mètres. 


Quand un chasseur peut tirer à de telles distances, comment fait-il pour compter le nombre de pointes ?

En excluant tous les télescopes et les armes performantes de la chasse au chevreuil, il est certain que le nombre de jeunes ''bucks'' récoltés, serait beaucoup moindre que ce qu'il a été dans les 10 dernières années. 

Ne pensez vous pas que le fait de tirer un chevreuil à plus de 300 mètres, pose pas mal plus de problèmes d'éthique que de tirer un jeune ''buck'' de 4 pointes à l'arc pendant la période légale de chasse à l'arc ?

Si j'avais à choisir une arme à interdire, pour réduire le nombre de jeunes mâles récoltés au Québec, ce serait l'arme à chargement par la bouche (ACB), dont les performances ne sont égalées que par les carabines modernes, et dont la saison se situe exactement pendant le ''rut''. 

Mais les véritables questions qu'il faudrait se poser sont les suivantes: Pourquoi les ACB ont-elles une saison de chasse exclusive ? Pourquoi les ACB ne sont-elles pas associées aux carabines ?   


Saisons de chasse au chevreuil au Québec

Les biologistes du Québec ont toujours traditionnellement mis, soit la saison de chasse à la carabine, soit la saison de chasse à l'arme à chargement par la bouche pendant le ''rut''. Il m'apparaît évident que permettre la chasse à la carabine et à l'ACB pendant la période du ''rut'', augmente nécessairement le nombre de jeunes mâles récoltés. 

De plus la longueur de la période de chasse avec ces armes performantes, a pour effet d'augmenter significativement le nombre de jeunes mâles récoltés.


Dans certains états américains, c'est la chasse à l'arc qui a lieu pendant la saison du ''rut''. Est-ce mieux ainsi ? Je ne saurais vous répondre. Les biologistes du Québec devraient-ils reconsidérer la date du début de la saison de chasse à l'arc ? Devraient-ils aussi reconsidérer la longueur des diverses saisons de chasse ?

Je ne parle évidemment pas de l'arbalète puisque cette arme est pratiquement défendue dans les états américains. Réservée habituellement pour les gens âgés et les handicapés, l'arbalète n'est permise que dans 17 états américains. 

Présentement les passions sont déchainées au Wisconsin, quand le département de la faune a indiqué son intention de permettre l'utilisation de l'arbalète durant la saison de chasse à l'arc. 


Puisque cette arme est permise en même temps que l'arc au Québec depuis quelques années, les impacts ne sont pas encore tous connus, même si le nombre de chevreuils récoltés avec cette arme est en augmentation rapide.


Limite de récolte

Au Québec, la Loi stipule que comme chasseur, vous n'avez droit qu'à un seul chevreuil par année avec quelques exceptions dont l'île Anticosti. Dans certaines zones où le chevreuil est particulièrement abondant, il est permis de récolter une femelle selon certaines dispositions spéciales.


Pour réduire le nombre de ''bucks'' récoltés, certains états américains ont institué certaines règles spécifiques. À certains endroits il est nécessaire de récolter une, deux et même trois femelles avant de récolter un ''buck''. Il est habituel qu'un chasseur ayant récolté sa ou ses femelles n'est pas très intéressé à continuer à chasser pour récolter un mâle, donnant ainsi une chance à plus de jeunes mâles d'atteindre un âge plus élevé. 

Au lieu de distribuer arbitrairement des permis de femelles comme le fait la province de Québec, les biologistes de ces états américains ont compris qu'il valait mieux avantager les chasseurs.

Les biologistes du ministère des ressources naturelles et de la faune du Québec, devraient peut-être utiliser les 150 000 chasseurs du Québec, dans leurs tentatives de contrôler les densités de chevreuils dans les zones problèmes, au lieu d'utiliser les propriétaires terriens.

Conclusion

Il m'est apparu rapidement à l'esprit que les états américains, qui ont appliqué intégralement la gestion des populations de chevreuils telle que préconisée par la QDM, ont connu des baisses considérables de populations de chevreuils, qui ont entraîné des épisodes difficiles de relations avec les chasseurs résidents.

Lorsqu'appliquée sur des populations captives, comme dans les enclos au sud de la frontière, où la vente de forfaits de chasse avec garantie de gros panaches est excessivement populaire, il m'apparaît évident que la QDM constitue dans ces cas, une politique locale de gestion acceptable des populations de chevreuils sous leur contrôle.

Mais ce n'est pas le cas au Québec.  L'imposition de restrictions quand au nombre de pointes aux 150 000 chasseurs de chevreuils de la province de Québec, ne contribuerait selon moi, qu'à introduire le phénomène d'abattage ''shoot and go look'' sur le territoire, tel que l'a connu malheureusement les divers états américains recensés.

Nanook

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